3 Envol à Versailles | Les carnets de Versailles

Envol à Versailles

Une marelle tracée dans une cour d’école, juste au pied de ses bureaux : signe espiègle pour la Fondation Bettencourt Schueller qui soutient la transmission des savoir-faire ? Grâce à elle, de nouveaux ateliers pédagogiques vont bientôt voir le jour au Château. Olivier Brault, Directeur général de la Fondation, répond à nos questions.

Olivier Brault. © Augustin Détienne / CapaPictures

« Donner des ailes au talent », c’est, en quelque sorte, la devise de la Fondation Bettencourt Schueller. Comment celle-ci procède-t-elle ?

Olivier Brault : Notre Fondation croit aux personnes, beaucoup plus qu’aux systèmes. Avec celles que nous avons choisies, nous partageons un moment de vie en nous plaçant à leur côté pour les entraîner plus loin dans la direction qu’elles ont prise. Pour rester efficaces, nous définissons nos objectifs sous forme de programmes très concrets. L’action nous astreint à bien cerner la complexité de la réalité qui se présente, et à y répondre par une intervention ajustée.

Votre soutien financier au Château, d’un montant total de 1,3 M€, permet de mener à bien l’ensemble des travaux nécessaires à l’aménagement de ces ateliers. Qu’est-ce qui vous a séduit dans ce projet ?

O. B. : Ces ateliers pédagogiques permettront des activités très diverses, en lien notamment avec le numérique, ce qui nous paraît particulièrement important pour les enfants. Mais notre attention a surtout été retenue par la volonté du Château de contribuer à la connaissance et à la valorisation des métiers d’art, ce qui fait partie de l’un de nos principaux programmes d’action. J’ai été, pour ma part, particulièrement touché par son souci de transversalité à travers l’implication de professionnels de ces métiers dans la rencontre avec le public. J’avais, en effet, gardé le souvenir très vif de l’accueil des fontainiers et des doreurs lors de la restauration du bassin de Latone1, dans un lieu spécifiquement aménagé.

Quels enjeux associez-vous à ces métiers d’art et à leur transmission ?

O. B. : Les métiers d’art exigent une forme d’intelligence complète qui ne refuse ni la difficulté face à la matière ni la solitude, dans une temporalité bien différente de celle de notre quotidien. Dévalorisés autrefois, ils font l’objet aujourd’hui d’un véritable engouement. À travers ces savoir-faire ancestraux, sollicités de manière totale au Château, nos souverains successifs ont consacré l’excellence de leur royaume, dans une démarche foncièrement politique qui a toujours sa pertinence. En 2016, plus de 5 millions de visiteurs sont venus apprécier le « génie français » qu’incarne Versailles. Un « génie français » qu’il convient de protéger et de soutenir ? Il y a vingt ans, nos fondateurs – Liliane Bettencourt au premier chef – ne se sont pas résolus à voir notre pays porter un regard dépréciatif sur les métiers d'art. Ces savoir-faire d'exception représentent un véritable trésor, un trésor vivant qui participe à notre identité, comme il a préservé, par exemple en d’autres temps, celle du Japon : ce pays extraordinaire, sorti exsangue de la guerre, s’est appuyé, pour se reconstruire, sur ses savoir-faire. Ainsi nous soutenons, à Tokyo, une exposition qui réunit, jusqu’à la fin du mois de novembre, quinze artisans d’art français d’exception : un maroquinier, un verrier, un orfèvre, mais aussi un éventailliste, un créateur de papiers peints ou une artiste plumassière… Intitulée « WonderLab »2, cette exposition célèbre l’émerveillement, l’expérimentation et l’innovation, tout ce que nous trouverons dans ces nouveaux ateliers, n’est-ce pas ?

Propos recueillis par Lucie Nicolas-Vullierme

 

(1) Restauration en 2015 de ce bassin, situé en contrebas du Château dans l’axe du Grand Canal.

(2) Exposition au Musée national de Tokyo – Hyokeikan, jusqu’au 26 novembre 2017.


Ateliers pédagogiques caméléon

Meubles déployés, tabourets sortis révèlent de petites alcôves colorées, chaleureuses.

Les nouveaux espaces réservés par le château de Versailles aux activités pédagogiques pourront accueillir jusqu’à 30 000 personnes par an, soit trois fois plus qu’aujourd’hui. Sur une superficie totale de 270 m², ils s’organiseront selon cinq salles, dont trois dédiées aux ateliers plastiques, travaux manuels et activités numériques, une salle d’expression corporelle et une salle de formation. L’originalité de ce projet ? Un « mur meuble » permettant d’intervenir a minima sur les lieux existants, au premier étage de l’aile du Midi*. Celui-ci viendra épaissir le mur de séparation entre le couloir et les différentes salles afin d’y loger rangements et modules de tables, chaises et tabourets. Au gré des besoins, les modules seront déployés, révélant de petites alcôves colorées, selon une configuration « atelier » ou, au contraire, entièrement camouflés, selon une configuration « salle blanche », pour dégager un maximum de place. Formes, couleurs et textures participeront à ces modulations d’espaces, adaptées aux utilisateurs : écoliers, familles, publics en situation de handicap ou dits « éloignés des musées ».

* Projet de l’agence d’architecture Beau_Bour, associé à Fleur Delesalle.


La Fondation Bettencourt Schueller : l’intelligence jusqu’au bout des doigts

« Donner des ailes au talent », c’est ainsi que la Fondation Bettencourt Schueller conçoit son engagement auprès des métiers d’art. Ici, le travail de la plumassière Nelly Saunier, lauréate 2009 du Prix Liliane Bettencourt pour l’intelligence de la main. © Sophie Zénon pour la Fondation Bettencourt.

Les sciences de la vie, la solidarité et la culture sont les trois principaux champs où s’engage la Fondation Bettencourt Schueller. Celle-ci valorise les métiers d’art depuis dix-huit ans grâce au Prix Liliane Bettencourt pour l’intelligence de la main, devenu un label d’excellence. C’est dans le prolongement de ce concours, qui a consacré les talents de près de 100 personnalités, que la Fondation développe, depuis 2014, sa politique en faveur des professionnels et des institutions en lien avec les métiers d’art et de la création.

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