3 Sur les chapeaux de roues | Les carnets de Versailles

Sur les chapeaux de roues

Suivre Louis-Philippe dans les longues galeries de son musée, dont il était si fier, n’était pas de tout repos. L’usage de chariots a été redécouvert à l’occasion du récolement décennal des collections du Château.

Chariot et fauteuils, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon.
© Château de Versailles / Christophe Fouin.

Des heures durant, Louis-Philippe guidait volontiers la famille royale et des personnes de qualité dans les immenses galeries du musée de Versailles qu’il venait de créer. Les visiteurs du roi le suivaient avec peine et l’usage des chariots s’imposa dès lors.

Le 30 mai 1835, l’atelier des tapissiers du Garde-Meuble de la Couronne livra trois d’entre eux. Constitués d’une plate-forme en sapin recouverte d’un drap vert avec doublure en thibaude posée sur quatre roulettes en cuivre, ils supportaient chacun deux fauteuils fixés en vis-à-vis. Cette livraison fut complétée en 1836, 1844 et 1847. Au total, sept chariots entrèrent dans les collections de Versailles, soit quatorze fauteuils. Ces fauteuils étaient des remplois provenant des magasins du Garde-Meuble : certains avaient été réalisés sous l’Empire, issus des collections du général Duroc, d’autres avaient meublé les loges des acteurs de la salle de spectacles des Tuileries ou encore les salles du Conseil d’État…

Si les premiers chariots furent réalisés pour les Galeries historiques de Versailles, d’autres commandes furent passées pour le confort des déplacements dans les résidences royales. Ces « chariots d’appartements » (c’est ainsi qu’il convient de les désigner) servirent à ceux des palais de Fontainebleau, des Tuileries et de Trianon.

Louis-Philippe visitant la galerie des Batailles, par François-Joseph Heim, 1837.
© Château de Versailles / Christophe Fouin.

La première mention connue de ces chariots date du 5 décembre 1835, lors de la visite de Lord Granville, ambassadeur de Grande-Bretagne en France. Les visites que le roi accordait à quelques privilégiés dans les galeries – encore en chantier – devenaient une activité de Cour à part entière. Les chariots étaient mis à la disposition des dames, mais aussi des hommes qui se trouvaient fatigués. Des chancelières1 pouvaient être employées pour couvrir les pieds.

Louis-Philippe et la famille royale visitant la Salle des Croisades, par Prosper Lafaye, 1844-1845.
© Château de Versailles, Dist. RMN / © Jean-Marc Manaï.

Le 3 mai 1844, la venue de la duchesse de Kent, mère de la reine Victoria, marque l’une des dernières fois où, sous la monarchie de Juillet, apparaissent ces chariots dans le cadre d’une visite officielle. Le roi y expliqua lui-même tous les sujets des principaux tableaux. Pour rendre le parcours moins fatigant, des chariots avaient été préparés à chaque étage. Malgré cette précaution, trois heures de marche non interrompue, dans toutes ces salles aux parquets très lisses, épuisèrent l’ensemble du cortège, à l’exception du roi qui aurait encore prolongé cette visite sans les instances de la reine !

Visite au musée des souverains par Sa Majesté la reine de Hollande, d’après un dessin de Jundt, détail, gravure parue dans Le Monde illustré, 22 mai 1858, p. 324.
Chariot identique à ceux des Galeries historiques de Versailles, encore utilisé sous Napoléon III au musée des Souverains, au Louvre.

L’on employa ces chariots à de rares occasions sous le Second Empire pour des personnalités importantes, puis ils furent remisés en réserve. Toutefois, le 18 mai 1906, Pierre de Nolhac en fit encore usage pour accueillir la princesse Clémentine de Saxe-Cobourg, âgée de 89 ans, dernier enfant survivant de Louis- Philippe. Le conservateur cite, dans ses souvenirs2, qu’il « avait retrouvé pour elle la portative de son père, chariot à roulettes avec deux fauteuils affrontés qui servait aux visites royales ».

Marine Masure-Vetter,
Chargée d’études documentaires
au musée national des châteaux de Versailles
et de Trianon

 

 

(1) Chauffe-pieds en fourrure.

(2) Pierre de Nolhac, La Résurrection de Versailles, souvenirs d’un conservateur 1887-1920, Paris, éd. Perrin, 2002, p. 86.


À VOIR

Durant l’exposition consacrée à Louis-Philippe, le public peut observer l’un des modèles restauré de ces chariots équipés de fauteuils recyclés. Munis d’un essieu en fer, ces chariots étaient tirés par un valet à l’aide d’un timon à poignée.

Auteur


Commentaires